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Eaux pluviales et gestion intégrée – Quel est notre rôle à jouer pour une ville eau-responsable ?

Eaux pluviales et gestion intégrée – Quel est notre rôle à jouer pour une ville eau-responsable ?

La question de la gestion de l’eau est prépondérante dans tout projet d’aménagement. Et ce, quelle que soit son échelle, ou qu’il se déroule dans un cadre d’extension ou recomposition urbaine. Chez Florès, on vous parlait de la gestion des eaux pluviales il y a tout pile 2 ans. Et, il y a quelques jours, le 22 mars dernier, se déroulait la journée mondiale de l’eau ! L’occasion de se pencher à nouveau sur les évolutions concernant son intégration aux réflexions portées dans nos métiers.

Eaux pluviales et ville : l’histoire d’une relation complexe…

La relation entre eau et ville est une histoire qui prend racine il y a plusieurs millénaires. Mais nous nous pencheront plutôt sur sa gestion à partir du XIXe siècle, – celle qui impacte encore nos modes de fonctionnements actuels -, avec les grandes modifications amenées par l’hygiénisme. Pour rendre la ville saine, il fallait en effet évacuer le plus rapidement, et le plus vite possible, les eaux usées. Du tout-à-la-rue, le mode de gestion des eaux est alors passé au tout-à-l’égout. Les surfaces des rues sont minéralisées, pour permettre à l’eau de ruisseler directement vers ces réseaux d’égouts unitaires. Ceux-ci récoltent alors à la fois eaux usées et eaux pluviales.

Les limites du tout-à-l’égout

L’imperméabilisation des sols s’est également amplifiée avec le développement de la voiture, amenant un redimensionnement des voiries, et un recalibrage des réseaux. De leur entrée dans les réseaux, les eaux sont amenées dans les installations de traitement des eaux usées, qui les relâchent dans le milieu naturel après traitement. Seulement, si ce mode de gestion des eaux pluviales a permis l’urbanisation des territoires, elle arrive aujourd’hui à ses limites et est remise en question pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, le fait que les eaux pluviales passent par des réseaux les conduisant après filtration dans le milieu naturel ne permet pas qu’elles bénéficient directement aux sols.
  • Ensuite les pluies de forte intensité, de plus en plus fréquentes, amènent une saturation des réseaux, qu’ils soient unitaires ou d’eau pluviale. En effet, les réseaux unitaires permettent un traitement égal pour les eaux usées et pluviales. Les réseaux et installations de traitement des eaux sont donc dimensionnés en conséquence. Seulement, ces événements amènent de forts différentiels de charge pour ces installations, qui seront davantage amplifiés sur les années à venir avec les impacts du changement climatique. Les surcharges des stations d’épuration provoquent alors des débordements, qui impactent à la fois les milieux urbanisés en créant des inondations, mais aussi les milieux naturels avec le déversement d’eau non traitées directement dans ces derniers.
  • Pour limiter la surcharge en eaux pluviales des réseaux unitaires, certaines villes ont mis en place des réseaux séparatifs entre eaux usées et eaux pluviales, afin que ces dernières soient directement rejetées dans le milieu naturel. Seulement, les grandes villes développées durant le XXe siècle ont déjà pour la plupart leurs réseaux unitaires. Les revoir dans leur ensemble pour amener une gestion séparative est complexe et coûteux… D’autre part, cela ne résout pas les problématiques de dimensionnement des réseaux d’eaux pluviales. Enfin, si les eaux de pluie sont a priori propres, ces dernières ruissellent sur les surfaces imperméables de nos villes jusqu’aux réseaux, l’occasion de se charger en polluants de toutes sortes…avant de rejoindre le milieu naturel.
  • Enfin, les alternances de fortes pluies et sécheresses de plus en plus intenses causées par le changement climatique font que les sols et nappes phréatiques n’arrivent pas à se régénérer correctement, entrainant sécheresses ou inondations. L’urbanisation effrénée a perturbé le cycle naturel de l’eau, les impacts du changement climatique sont de plus en plus importants et nos villes n’y sont pas adaptées. Le tout-réseaux arrive à ces limites, et il est grand temps de changer de mode de gestion et de pensée concernant les eaux pluviales !

Du tout-à-l’égout à la gestion intégrée des eaux pluviales

La question est donc, comment gérer ces pluies ? Pour éviter les conséquences de cette gestion sur les milieux urbains et naturels, on tente de plus en plus de gérer les eaux de pluie directement à la parcelle, au plus près de leur point de chute. Cette proposition s’appuie sur des solutions à la fois paysagères et techniques, s’appuyant sur des propositions plus proches de la nature tout en s’intégrant à l’environnement urbain. On parle alors de gestion durable ou intégrée des eaux pluviales.

La gestion à la parcelle, c’est permettre de rétablir le cycle naturel de l’eau en facilitant une infiltration directe des petites pluies. Ainsi, on débranche les drains de toiture du réseau, en les redirigeant vers des ouvrages techniques et paysagers de proximité. Cela permet de limiter les ruissellements, et donc la pollution de ces pluies, mais aussi de régénérer les sols et les milieux naturels. En plus de son bénéfice hydraulique, cette gestion à la parcelle est également bénéfique en ville pour la réhumidification et renaturation des sols, par la création d’ilots de fraicheur, de refuge de biodiversité, et donc d’amélioration du cadre de vie humain et faunistique. En milieu urbain, on considère que seules 5% des eaux pluviales s’infiltrent dans les sols, contre 25% en milieu naturel. Autant dire qu’il y a de la marge de progression…

Seulement, il ne suffit pas de retirer le bitume de son terrain pour permettre une gestion efficace des eaux pluviales à la parcelle. En effet, si la désimperméabilisation des sols permet toujours une meilleure infiltration qu’une route en asphalte, ces sols urbains portent en eux l’héritage des activités passées accueillies, et sont dans certains cas peu capables d’infiltrer les eaux.

Des préconisations en fonction du contexte environnemental

Ainsi, les préconisations en termes d’ouvrage et techniques de gestion intégrée des eaux pluviales vont différer selon le contexte environnemental du site. C’est pourquoi la récolte de plusieurs données nécessaires à la connaissance du terrain est indispensable :  

  • La pollution des sols, courante en milieu urbain qui a vu la ville se reconstruire sur elle-même, les anciennes activités industrielles laissant place à de nouveaux projets en cœur de ville. Elle peut potentiellement faire infiltrer des polluants dans les nappes phréatiques sans permettre une filtration suffisante en amont.
  • La topographie du site, qu’elle soit faible ou forte, un faible pourcentage de pente a un impact lorsque l’on gère les ruissellements. Il s’agit donc de déterminer les points bas du site, préférentiels pour implanter des solutions de gestion intégrée des eaux pluviales, dans lesquelles les eaux vont être immédiatement guidées.
  • Les caractéristiques géologiques des sols, et leurs comportements face à l’eau, ainsi que la proximité de la nappe. Les roches et les argiles ne seront pas abordées de la même manière, selon leur porosité, capacité de filtration et d’absorption, qui impactent le cheminement et la qualité de l’eau de la surface de la parcelle à son retour au milieu naturel. Les préconisations techniques seront donc différentes selon ces critères.  
  • La qualité du sol va également jouer un rôle fondamental. Est-ce qu’il présente un humus fertile, ou a-t-il besoin d’être réactivé ? Ces processus de réactivation des sols se mettent en place sur un temps long, et demandent d’adapter les essences plantées au sol hérité, et non l’inverse. La diversité composant les strates végétales implantées contribuent à l’intégration de la biodiversité en milieu urbain, et à une intégration optimale de l’eau.
  • La présence de réseaux sur site, ainsi que les potentiels raccordements de trop-pleins. L’ouvrage paysager joue le rôle de tampon entre la parcelle et les réseaux, ce qui permet d’absorber les imprévus liés à l’intensité des pluies, mais qui nécessite un raccordement en cas de surcharge pour éviter les inondations locales.

Ces données parmi d’autres vont permettre de déterminer quelles caractéristiques d’ouvrages préconiser selon la parcelle, ainsi que leur dimensionnement. Entre phytoremédiation, évapotranspiration, rétention, canalisation, récupération, filtration, … les techniques et stratégies paysagères possibles sont multiples et dépendent fortement des caractéristiques de l’environnement proche.

L’analyse environnementale de site réalisée par Florès au début de nos projets est donc une première étape qui peut servir à la MOA pour prendre des décisions vis-à-vis de la gestion intégrée des eaux pluviales sur sa parcelle. De plus, le dimensionnement de ces ouvrages peut impacter l’étude de faisabilité des projets. Ils sont donc à prendre en compte dans les surfaces dédiées à l’aménagement extérieur, et c’est pourquoi intégrer ces réflexions de manière systématique dès le début du projet est nécessaire.

La gestion durable des eaux pluviales, une affaire de tous ?

La gestion à la parcelle des eaux pluviales permet donc de soulager les réseaux dont le fonctionnement arrive à sa limite. Cependant, l’ampleur des besoins amène une réflexion globale qui dépasse l’échelle de la parcelle privée, et met en avant des complexités de gestion.

D’une part, on traite principalement les eaux pluviales à l’échelle de l’EPCI, différant selon les territoires. Seulement, il n’y a pas de service propre dédié à cette gestion des eaux pluviales, qui concerne de multiples services gérant les réseaux, les voiries, la gestion des espaces verts…et cela rien qu’à échelle de l’espace public. Cette gestion demande donc une réflexion transversale et multiscalaire, allant du document d’aménagement à la parcelle privée en passant par l’espace public.

Ajoutons à cela que si le pli est pris d’un côté, la maitrise publique des sols est limitée et implique un investissement à l’échelle privée. Ce qui suggère une sensibilisation et un accompagnement, afin de mettre au point une stratégie globale. Pour finir, la création d’ouvrages techniques de gestion durable des eaux pluviales demande un regroupement de compétences côté maitrise d’œuvre : ingénierie, paysage, aménagement… et un travail main dans la main entre maitrise d’ouvrage et maitrise d’œuvre, quant aux bonnes solutions et possibilités selon le projet souhaité.

Les eaux pluviales sont donc l’affaire de tous, que ce soit dans les conséquences d’une gestion non pensée, ou dans la transition vers de nouvelles pratiques.

Quel rôle à notre échelle ?

Ces dernières années, la gestion intégrée des eaux pluviales a pris une autre dimension en France. Si elle était présente à petite échelle sur des initiatives dispersées, elle peinait à se généraliser. Notamment à cause de la complexité de la répartition des compétences et du contexte réglementaire. Elle intègre désormais de plus en plus les politiques d’aménagement du territoire et cherche à permettre une transversalité entre les différents services et entre public et privé. Par exemple, le ministère de la transition écologique a publié fin 2021 un plan d’action pour la Gestion Durable des Eaux Pluviales, la Métropole de Lyon a enclenché en 2022 une stratégie ambitieuse de ville perméable sur espaces publics et privés, l’agence de l’eau de la ville de Bordeaux met désormais à disposition des outils de calcul de taux d’infiltration et de ruissellement permettant le dimensionnement des ouvrages…

Autant de plans visant à coordonner la gestion des eaux pluviales à l’échelle du territoire pour permettre une meilleure résilience face au changement climatique. Pour cela, une prise en compte et réflexion dès les premières phases du projet sont nécessaires. Les réglementations sur la gestion des eaux pluviales dans les documents d’urbanisme sont à relever dès l’analyse environnementale de site, car ils impacteront les phases de faisabilité. Et au-delà des préconisations des documents réglementaires, l’engagement des propriétaires en ce sens peut permettre de proposer des solutions paysagères d’aménagement de l’espace extérieur gérant les eaux pluviales et adaptés à la parcelle et au projet souhaité.  Que l’on soit maitrise d’œuvre ou maitrise d’ouvrage, dans le public ou le privé, travaillant à l’échelle du territoire ou du bâtiment, chacun a donc un rôle à jouer pour intégrer la gestion des eaux pluviales comme donnée systématique.

Pour aller plus loin

R.P.