Florès ...

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Architecture frugale sans crever la dalle !

Le manifeste pour une frugalité heureuse et créative nous le rappelle, les domaines d’action des professionnels du bâtiment et de l’aménagement du territoire émettent au moins 40% des gaz à effet de serre avec pour conséquence une augmentation de la température par rapport à l’ère préindustrielle.

Mais quelles sont les mesures à prendre pour limiter cette hausse ?

Jusqu’où ira la frugalité ?

Suite au rapport du GIEC d’octobre 2018, le cabinet d’étude B&L s’est penché sur la question. Les mesures à appliquer d’ici 2030 seraient :

  • Rénover en haute performance environnementale 1 million de logements par an et 50 000 000 m² / an dans le tertiaire
  • Réduire la construction neuve aux logements collectifs à 300 000 par an avec une surface par habitant de 30 m²,
  • Mise en place d’un couvre-feu thermique,
  • Stopper les lignes aériennes internes, interdire les poids lourds en zone urbaine, …

C’est une liste de 60 mesures qui sont ainsi rédigées pour réduire de +60% les émissions de gaz à effet de serre en 10 ans. Radical non ? Cette étude se veut essentiellement technique, elle n’inclut pas d’analyse sociale ou économique.

Les sacrifiés

Or, le problème est le suivant : comment annoncer aux 359 000 salariés1 qui travaillent dans le gros œuvre (essentiellement pour la construction neuve) qu’ils devront se reconvertir dans la rénovation ? 

Pour caricaturer, comment dire à un maçon qu’il devra se reconvertir au placo ? Et que dire des concepteurs !? En 2018, l’étude Archigraphie2 mettait en évidence la faible pénétration des architectes dans le secteur de la rénovation. En 2016, 70% des travaux réalisés par les architectes concernent la conception de bâtiments neufs3 !

La part des montants que représente le marché de la rénovation n’est pourtant pas anodine : 77 milliards d’euros (55% du marché global) contre 63 milliards d’euros pour le neuf (45% du marché).  Alors pourquoi ne rénove-t-on pas davantage ? Comment la programmation peut-elle favoriser la rénovation dans la programmation ?

De la fonction aux usages

Comme le propose Thierry Lajoie, il ne faut « plus programmer des mètres carrés pour des usages figés, mais des cycles de vie de bâtiment4 ».

Aborder la programmation sous le prisme de « une fonction = un espace » ne fait qu’encourager la conception de produits figés. C’est un process adéquat avec le neuf mais obsolète avec la rénovation.

« La fonction a été un élément qui a trop conditionné l’architecture pendant des années »5. Désormais, c’est le potentiel du bâtiment existant, de par sa situation urbaine et sa conception architecturale, qui peut encourager la programmation d’usages et de réversibilités.

Pour développer la rénovation, il faut passer de la fonction aux usages et ne plus avoir peur d’additionner les usages. Concrètement, il faut arrêter de se demander comment construire ou rénover son bâtiment tertiaire, mais plutôt se poser ces questions essentielles : ‘’de quoi ont besoin mes différents services et/ou employés pour travailler ?’’ ou ‘’comment construire ce collectif ?’’ et ‘’de quoi a-t-on besoin pour habiter ?‘’. A cette dernière question, bien souvent, le logement seul ne suffit pas.

Le rôle du programmiste

Parallèlement à la programmation d’usages, le programmiste accompagné de la MOA se doit de recueillir le maximum d’informations sur les différentes strates de vie que le bâtiment a pu connaitre.

Il est important de se prémunir et de se rassurer face aux aléas du chantier. J-C Martinez, architecte et président de la MAF, résumait parfaitement l’étau économique dans lequel ils se trouvent face aux difficultés que peut représenter un chantier de rénovation : « la rentabilité court-termiste des programmes menés par les investisseurs les rend de moins en moins tolérants aux délais supplémentaires, aux surcoûts, aux aléas, … ».

Construire un bâtiment neuf semble économiquement plus rassurant à tenir mais avec une étude et un relevé approfondi, un bâtiment existant révèlera ces contraintes mais aussi toutes ces qualités.   

Ce ne sont là que quelques exemples que les acteurs de la programmation peuvent mettre en place en amont du projet, mais c’est l’ensemble de la chaîne des différents acteurs qui pourront favoriser la rénovation et développer un urbanisme et une architecture frugale. D’ailleurs, et si on redonnait sa chance à la simplicité ?

C.C.

Sources

1. 32.5% des salariés dans le gros œuvre et 67.5% des salariés dans le second œuvre, d’après l’étude de la FFB « le bâtiment en chiffres 2018 » publié en juin 2019.

2 & 3. D’après les chiffres MAF, extrait Archigraphie 2018

4 & 5. Construire réversible, canal architecture. Citation de Thierry Lajoie, président de Grand Paris Aménagement et de Dominique Perrault architecte urbaniste