En programmation architecturale nous écrivons beaucoup, et pas pour ne rien dire ! Les différents livrables, comme le programme architectural et technique détaillé (PATD), vont servir de piliers à la conception des projets de construction ou de rénovation. La manière dont sont écrits ces documents a donc une certaine influence sur ces projets, et notamment sur leur inclusivité. On en parlait d’ailleurs il y a quelques temps. Nous vous parlons aujourd’hui de l’écriture inclusive dans nos livrables.
Un petit cas concret
Inspirons-nous tout d’abord d’un exemple concret afin d’introduire le sujet. En phase de synthèse des besoins, toutes les personnes usagères du site d’étude sont listées, afin d’adapter les locaux et espaces à celles-ci. Par exemple, pour un récent projet de restructuration d’un complexe tennistique municipal, ont pu être cités :
- Les licenciés du club
- Les membres du bureau :
- Un président
- Un vice-président
- Un trésorier
- Un secrétaire
- 8 membres du comité
- Les membres du personnel :
- Un moniteur salarié
- Un alternant en licence STAPS
- Des professeurs indépendants
- Des joueurs extérieurs et du public lors de tournois et autres événements
- Les clients du bar/snack
Quand l’inconscient prend le dessus
Lorsque nous lisons ces différents groupes de personnes, certaines images mentales se créent instantanément. Et ceci, de manière inconsciente. Alors, quelles personnes sont apparues en image mentale ? Quel était leur genre ? Y avait-il beaucoup de femmes comparées au nombre d’hommes ? Probablement peu… En effet, la langue française, avec sa règle du masculin qui l’emporte sur le féminin et l’idée que le masculin vaut neutre, permet difficilement de décrire des personnes et groupes de personne de manière non genrée, afin de n’omettre aucun genre.
Ce constat je l’ai fait il y a quelques années lorsque j’ai assisté à un spectacle qui a été réalisé entièrement en langage inclusif. Je me suis rendu compte que certaines personnes que j’aurais habituellement assigné comme hommes en image mentale apparaissaient comme femmes. Certains groupes de personnes devenaient beaucoup plus mixtes. J’ai réalisé que cela permettait une égalité des représentations entre les différents genres.
C’est à ce moment que je me suis rendu compte de la chose suivante. Dans un travail tel que la programmation architecturale, où l’objectif étant d’adapter les lieux de vie à tous.tes les usager.es, il me paraissait indispensable d’employer l’écriture inclusive afin d’inclure vraiment tous les genres dans la conception d’un projet.
L’écriture inclusive, qu’est-ce que c’est concrètement ?
L’écriture inclusive est un ensemble de pratiques visant à rendre la langue française plus égalitaire en termes de genre. Cela permet de faire évoluer les représentations spontanées de manière non sexiste.
Sans entrer dans des notions grammaticales trop complexes, il existe plusieurs manières d’appliquer l’écriture inclusive. Libre à chaque personne de piocher dans ce qu’elle préfère.
Les formes tronquées
On retrouve d’abord les formes tronquées, en employant des signes de ponctuation pour féminiser un mot en y appliquant les accords masculins et féminins. Ceux-ci sont les parenthèses, point médian, point, crochets, tirets… Par exemple « des client.es, un(e) visiteur(euse), le-la directeur-rice ». Cette forme peut être très utile lorsque l’espace d’écriture est restreint, notamment dans un tableau ou un formulaire. Cependant le recours aux formes tronquées dans le corps d’un texte peut nuire à sa lisibilité et sa compréhension.
La formulation neutre
La formulation neutre privilégie l’utilisation de noms, d’adjectifs et de pronoms qui ne présentent pas d’alternance masculin/féminin tout en ayant un genre grammatical qui leur est propre, comme des personnes par exemple. Cela est possible soit par l’utilisation de noms collectifs, c’est-à-dire désignant un ensemble de personnes, tel que : « une assemblée, le personnel, le public, la clientèle… », soit par l’utilisation de termes épicènes, s’écrivant de la même manière qu’il soit au féminin ou au masculin, comme « le ou la stagiaire » par exemple.
Les innovations orthographiques
Puisque le genre grammatical neutre n’existe pas en français, des innovations orthographiques ont fait leur apparition pour inclure les personnes non binaires dans les textes. Il peut s’agir de termes formés par la contraction de mots féminins et masculins, par exemple, ou de nouveaux termes indépendants. Par exemple, les plus couramment employés sont les pronoms neutres : iel, iels…
Un petit temps d’adaptation
Utiliser l’écriture inclusive nécessite un peu d’entrainement, mais cela s’intègre assez facilement en ayant conscience de son impact et de son utilité.
Et dans la programmation alors ?
Intégrer une vision inclusive dans la conception d’un projet amène à penser des espaces plus adaptés à toutes les personnes usagères de ces lieux. L’écriture inclusive peut ainsi être un point d’entrée dans cette réflexion inclusive. Et cette réflexion, en termes de diversité de genre, peut aussi entrainer un résonnement plus large :
- réflexion pour des locaux adaptés aux différents handicaps physiques et mentaux pouvant aller au-delà de la réglementation,
- adaptation de la signalétique pour personnes ne sachant lire
- et bien d’autres !
Chez Florès, il n’y a ni obligation ni interdiction à l’employer, libre à chaque binôme chef.fe de projet/chargé.e d’étude de l’utiliser ou non. Les maitrises d’ouvrage peuvent aussi influencer son utilisation, l’égalité des genres étant pour certaines un enjeu important.
Comme de très nombreuses activités, le milieu de la programmation architectural a beaucoup évolué, et principalement du fait de l’évolution des technologies (logiciels de dessin assisté par ordinateur, intelligence artificielle…). Afin de rester compétitif et dans l’air du temps les entreprises doivent s’adapter, prendre les évolutions au bon moment. L’aménagement des bâtiments évolue, langage évolue lui aussi, donc pourquoi ne pas prendre être moteur de cette évolution ?
Et vous, utilisez-vous l’écriture inclusive ? Etes-vous prêt.e à vous y mettre ?
A.C.