Redynamiser les quartiers populaires de nos villes, c’est ce à quoi les politiques travaillent avec un succès mitigé depuis plusieurs années. Mais avons-nous pensé à faire des habitants de ces quartiers des acteurs d’un quotidien meilleur ? À leur donner les outils et les clés pour créer ce dont ils ont besoin, avec des moyens simples ? C’est dans cette réponse aux besoins des quartiers populaires que les innovations sociales ont un grand terrain de jeu et des possibilités de mettre en pratique leurs nouveaux outils.
Innovations par-ci, innovations par-là, nous entendons ce terme tous les jours et appliqué à tous les nouveaux concepts. Et l’innovation sociale, en avez-vous déjà entendu parler ? Savez-vous ce que cela peut bien vouloir signifier ? Quels outils, et mises en pratique se cachent derrière ces deux mots ?
Mais pourquoi utiliser et développer les innovations sociales ?
Parce que les personnes ne veulent plus être consommateurs, citoyens ou « bénéficiaires » passifs, mais des acteurs engagés pour trouver des solutions individuelles ou collectives. Parce que les finances publiques ne peuvent plus et ne doivent plus être dans la seule redistribution, mais elles aussi devenir des dépenses actives. Parce que la transformation digitale permet des interactions et une participation de tous sans précédent. Et enfin parce que cela concerne de nombreux acteurs : ceux de l’économie sociale et solidaire, les associations, les fondations, les entreprises, les citoyens, les pouvoirs publics… Développer les innovations sociales lors de rénovations, et lors de la redynamisation des quartiers populaires, permet d’avoir des outils fonctionnels sur le territoire, mais cela peut-être un atout supplémentaire que d’y penser pendant la réalisation du programme, avec le maître d’ouvrage, pour répondre de la manière la plus adéquate possible au besoin identifié.
Des illustrations simples et concrètes
Prenons, pour illustrer ces actions et leur mise en place, ce qui est réalisé à destination des femmes des quartiers populaires. À l’heure actuelle, 42% des femmes ont un emploi, et parmi celles-ci 44% travaillent à temps partiel. 97.5% familles monoparentales sont tenues par des femmes. Les populations étrangères et immigrées y sont aussi très nombreuses.
Alors quelques plans d’actions simples peuvent changer un petit peu les choses :
- Communiquer autour des inégalités en travaillant avec les associations et acteurs locaux.
- Réaliser un meilleur recueil de l’information en fonction du genre dans les quartiers.
- Orienter les politiques internes des ressources humaines pour mieux intégrer les femmes (organisation des temps de travail et prise en compte des contraintes familiales).
- Influencer les acteurs locaux, soutenir les associations….
Mais plus concrètement prenons l’exemple de la crèche itinérante : concept développé par la SCOP E2S ; la garderie éphémère Soli ’mômes se déplace dans un camion en Île-de-France dans les quartiers sensibles. Pour aider les mamans qui ne peuvent pas se permettre de payer la garderie, cette proposition toute simple utilise seulement une salle polyvalente (environ 40m²), ou une salle de classe, ce que la commune peut mettre à disposition. Tout ce qui est affaire de matériel, jeux, installations adaptées aux enfants (toilettes, coin sieste, change…) se trouve dans le camion Soli ‘mômes. Les enfants sont encadrés par des professionnels et ainsi les mamans peuvent laisser leurs enfants sereines.
Ou encore prenons l’exemple d’un restaurant d’insertion et solidaire à l’initiative des femmes du quartier populaire de la Seyne-sur-mer. Ce restaurant est uniquement tenu par des femmes sans emploi ou en formation. Son but est de permettre l’insertion sociale de ces femmes : avec un aménagement des heures flexibles (sur les horaires scolaires), les femmes ont accès à une aide aux démarches administratives, des cours de français, des formations de base sur les métiers de la restauration et de l’hôtellerie, des ateliers et activités de socialisation. Le restaurant est un lieu reconnu dans le quartier, lieu de dialogue et fréquenté par les habitants du quartier et de l’extérieur. Et quels besoins immobilier pour cela ? Pas grand-chose, un espace cuisine et d’accueil pour la restauration suffiront, espaces que l’on pourra moduler avec d’autres usages pour la commune.
N’oublions pas de bien établir les nouveaux besoins sociaux avec nos communes, de leur montrer un large éventail de possibilités faciles à mettre en place et mutualiser avec d’autres usages.
Un dernier exemple proche de chez nous, sur nos innovations sociales possibles par tous avec un espace d’interculturalité et d’insertion citoyenne : le CCO à Villeurbanne. Ce centre culturel Œcuménique a pour objectif de réalisation des actions artistiques, culturelles et citoyennes afin de renforcer l’expression et le pouvoir d’agir des femmes des quartiers populaires. Affirmer l’estime de soi et l’assurance en société, tel est l’objectif principal de ce petit projet. Par la création d’un opéra citoyen, d’atelier textile/design, de débats et de rencontres, et un laboratoire d’innovation sociale et culturelle ce projet connaît d’excellents résultats.Le lieu est constitué d’une salle, mutualisable avec d’autres espaces de la commune, d’un espace extérieur, rien de bien coûteux si on a bien pensé en amont à ce que l’on souhaitait faire des équipements publics.
Rien de plus simple que de réfléchir à ces innovations sociales et à comment les intégrer dans nos projets, prévoir quelques m² de plus à une salle polyvalente, pour un rangement, une cuisine un peu plus grande. C’est anticiper sur les demandes des habitants pour mener à bien leurs projets culturels, de soutien social…Anticipons les besoins et incitons à créer du lien entre les quartiers et leurs habitants !
Alors plus d’hésitation face aux innovations sociales, parlez-en à vos maîtres d’ouvrages, il existe des initiatives de plus en plus nombreuses et prometteuses pour faire revivre ces quartiers et les réintégrer dans nos villes.
BF