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Le plâtre, témoin d’une perte de savoir-faire traditionnel

Le plâtre est un matériau polyvalent utilisé dans divers domaines, de l’agriculture à l’industrie, ou à l’art. Pour ce qui nous concerne, il peut être utilisé dans le domaine de la construction en moulage, enduit, cloisonnement, moellons ou couverture.

Les nombreux avantages de ce matériau, sa facilité de fabrication et de mise en œuvre l’ont placé depuis l’Antiquité en matériau phare de la construction.

Néanmoins, l’entre-deux-guerres a marqué une fin des pratiques traditionnelles plâtrières, avec un désintérêt croissant pour l’usage du plâtre.

Pourquoi ce matériau traditionnel, facile de fabrication et de mise en œuvre et bas carbone, a-t-il donc été oublié ?

Une courte histoire du plâtre dans la construction

Après l’argile, le plâtre est le plus ancien liant utilisé dans la construction. Son utilisation en France remonte à l’Antiquité, mais c’est majoritairement au Moyen Age (entre le XVe siècle et la Révolution Française), qu’il est utilisé en tant qu’enduit ou mortier. Le plâtre était particulièrement exploité dans le bassin parisien, puis dans le Sud-Est, le Sud-Ouest ou l’Est de la France.

Il a été utilisé dans tous types de constructions : dans le bâti rural en mortier pour monter les murs, en enduits intérieurs ou extérieur, ou en remplissage pour les maisons à colombages ; et dans l’architecture bourgeoise, en enduit ou ornementation.

Le plâtre était alors produit de manière artisanale et locale, dans des fours paysans chauffés au bois.

Un matériau plein de ressources !

Pour citer quelques-uns de ses avantages, le plâtre est à la fois solide, ignifuge et incombustible. Il ne dégage pas de gaz ou de vapeur toxique et ne fissure pas. Sa porosité permet également de réguler l’hygrométrie des pièces. Contrairement à d’autres liants (chaux, ciment, terre crue), il ne présente pas de retrait à la pause.

Néanmoins, l’obtention de toutes ces qualités dépendent de multiples facteurs : la qualité du plâtre d’origine, la vitesse de prise, la mouture (la manière dont il est moulu), la qualité de lissage ou le rapport eau/plâtre (le gâchage). Seule une combinaison précise de ces facteurs permettra d’obtenir le plâtre adéquat pour l’usage défini.

Les artisans plâtriers du XVIIIème siècle maitrisaient alors ce savoir-faire leur permettant d’exploiter ce matériau aux compétences riches.

Le plâtre, un matériau bas carbone

Si le plâtre répond parfaitement aux enjeux actuels du développement durable, c’est parce qu’il s’agit d’un matériau bas carbone, à la fabrication et mise en œuvre aisées.

Sa faible empreinte carbone est directement issue de son procédé de fabrication et de ses potentialités de réemploi.

Le plâtre est fabriqué à partir d’un seul matériau : le gypse. Cette pierre s’extrait à plusieurs endroits de France, avec des gisements majoritairement en bassin parisien et dans l’Est de la France.

Les gisements de gypse en France,
source : www.lelementarium.fr

Les blocs de gypse sont ensuite chauffés à basse température (de 100 à 180 °C) afin de leur retirer une partie de l’eau. La température de cuisson du plâtre ainsi que l’humidité, le refroidissement ou le broyage en détermineront les propriétés (dureté, temps de prise, texture). Par exemple, le plâtre ‘ordinaire’ est obtenu avec une cuisson à 130°C. Au-delà de 180°C, le plâtre est dit ‘surcuit’ et possède des propriétés particulières.

Suite à cette cuisson, la roche cuite est broyée en une poudre puis mise en sac.

Les faibles temps et températures de cuissons (qui pouvaient être atteintes avec un simple feu de bois), limitent donc l’empreinte carbone du matériau. Par exemple, à volume égal, 12 heures à 200°C seront nécessaires pour obtenir du plâtre, alors que pour de la chaux il faudra un à deux jours à 900°C !

Deuxièmement, le plâtre est réemployable à l’infini. Globalement, lorsqu’on réhydrate du plâtre, on récrée le gypse d’origine. Puis ce gypse peut ensuite être recuit, puis réemployé, puis recuit. Ce n’est pas pour rien qu’en France en 2017, 91 000 t de plâtre ont été recyclés (hors déchets de fabrication), soit 26 % d’un gisement estimé à 350 000 t (source : SNIP).

Enfin, sa facilité de fabrication et de mise en œuvre participe aux réflexions sur l’auto-construction. Il est en effet assez simple de fabriquer du plâtre soi-même !

Pourquoi ce matériau traditionnel, facile de fabrication et de mise en œuvre et bas carbone a-t-il donc été oublié ?

Passage du plâtre paysan au plâtre contemporain

De nos jours, l’usage du plâtre dans la construction est très majoritairement relégué en intérieur, notamment pour la réalisation des cloisons. On se fait du plâtre l’idée d’un matériau fragile et soluble à l’eau, et donc inutilisable en extérieur. Or, nous retrouvons encore de nos jours des témoins d’enduits extérieurs en plâtres du XVe siècle, utilisés dans des zones humides. Pourquoi ce changement de paradigme ?

Avant la Révolution Industrielle

Jusqu’à la Révolution Industrielle, le plâtre était produit de manière traditionnelle. Il était cuit dans des fours au feu de bois, puis broyé à la main sur le sol. Cette méthode de production permettait la fabrication d’un matériau constitué de plusieurs qualités de plâtres, et cela dû à la non homogénéité de la température de cuisson dans le four. Les enduits étaient ensuite composés de deux à quatre couches de plâtres aux propriétés différentes (variation des moutures, des quantités d’eau).

C’est donc cette pluralité de plâtres et de mises en œuvre qui rendaient ce matériau solide et durable.

À partir du XIXème siècle

À partir du XIXème siècle, la température de cuisson du plâtre fut reconsidérée : elle fut stabilisée à 130°C, qui semblait être la température idéale. Cela s’accompagna d’une mécanisation du broyage, permettant la production d’une poudre plus fine et plus homogène.

Si ce matériau paraissait alors plus pur, plus fin et plus blanc, il en perdit la richesse permise par ses différentes phases et compositions.

Ce nouveau matériau poreux et fragile était alors une catastrophe en extérieur. Celui-ci se noircissait à cause de la pollution. Considéré comme fragile peu hygiénique, il fut définitivement abandonné comme enduit extérieur.

Ces évolutions techniques furent accompagnées de la naissance de nouveaux matériaux : l’acier, le verre, le ciment, le béton. Ces matériaux, solides et inaltérables, nécessitaient moins de savoir-faire pour être employés. La mécanisation des moyens de production, la réduction des coûts et l’hyperspécialisation des tâches sur chantier (métier de maçon-plâtrier remplacé par le métier de plaquiste) finirent de mettre ce matériau traditionnel de côté.

Pour conclure

Le plâtre n’est donc pas un, mais une pluralité de matériaux qui nécessitent un grand savoir-faire pour les exploiter à hauteur de leur capacité. L’art de l’artisan est donc d’assembler ses matériaux pour obtenir le comportement et les performances adaptées à chaque usage.

Cette courte histoire du plâtre en France met en perspective les conséquences de la perte des savoir-faire traditionnels, des productions industrialisées, de l’uniformisation des manières de faire et des constructions. Elle montre l’importance de s’intéresser de nouveau à la richesse que les matériaux de construction ont à offrir avant de se diriger vers des matériaux fortement carbonés.

Pour construire plus durablement, réapproprions-nous nos matériaux de construction !

L.J.

Sources