Notre-Dame de Paris : et si la polémique nous faisait passer à côté de l'essentiel ?
L’incendie de Notre-Dame de Paris a ouvert une boite de Pandore. Faut-il restituer la flèche construite par Viollet-le-Duc ? Est-il possible de donner une date de fin de chantier ?
Tout professionnel de la construction restera dubitatif devant des délais de réhabilitation annoncés sans diagnostic exhaustif, sans projet… et sans planification des études et travaux.
Plus fondamentalement, on peut se demander si se hâter de terminer la flèche n’est pas la meilleure manière de passer à côté du potentiel réel du chantier de Notre-Dame.
Au Japon, le temple d’Ise est démoli et reconstruit à l’identique tous les 20 ans depuis plus de 13 siècles. C’est que, dans cette manière de penser le patrimoine, la matérialité concrète s’efface devant le rite et la mise en œuvre des savoir-faire réitérés, et par là-même revivifiés.
Le chantier patrimonial est aussi une manière de faire vivre des savoir-faire.
En France, l’initiative de Guédelon montre l’intérêt d’un chantier en cours. Quelle importance que le château soit fini un jour, il sera alors strictement inutile. Tout l’intérêt de Guédelon est l’expérience humaine de la chose en train de se faire, les enseignements tirés, les savoir-faire re-découverts, les avancées de la recherche.
Mais cela va bien au-delà d’une simple expérience d’archéologie expérimentale.
Perdu au cœur de la Puisaye, le chantier est désormais visité par des centaines de milliers de personnes et est devenu, après les Hospices de Beaune, le second site touristique de Bourgogne. Il créé des emplois, donne accès à des formations, utilise les médias les plus actuels pour communiquer.
Son impact économique devient de plus en plus sensible. Le bilan environnemental en est bon, car les techniques traditionnelles utilisées sont à faible énergie grise.
Guédelon est ainsi un véritable vecteur de développement économique, culturel et social durable, tout ce qu’il y a de plus actuel.
Tout le génie du collectif de Guédelon est d’avoir su trouver un modèle économique. Celui d’aller au bout du concept de l’échange et de la valorisation de l’expérience par une large ouverture du chantier.
Ouvrir un chantier au grand public ? Une gageure, mais un pari tenu !
L’ouverture, la pédagogie et l’échange sont au cœur de la réussite de Guédelon.
Un chantier ouvert à Paris, capitale internationale du tourisme, au sein de Notre-Dame de Paris – symbole mondial – présente un formidable potentiel de valorisation des savoir-faire français. Une telle initiative bénéficierait d’effets multiplicateurs colossaux…
Le chantier pourrait être visitable, être support de promotion des métiers du bâtiment et du patrimoine, mais pourquoi pas aussi du numérique, il pourrait constituer une source de connaissances et d’avancées pour les chercheurs, un support pédagogique pour les écoles…
Les techniques anciennes comme les plus innovantes pourraient en bénéficier…
De notre point de vue, le pari à relever sur le chantier de Notre-Dame n’est pas celui de la vitesse mais celui, tout aussi difficile mais ô combien plus actuel et audacieux, de l’ouverture.
Que ce chantier prenne cette direction, et on en arriverait presque à souhaiter qu’il ne finisse jamais !
O.T.