Dans un précédent article nous nous étions intéressés aux besoins et aux attentes des usagers, ainsi qu’à la manière de les collecter et les interpréter. Mais les mots ne font pas tout, il faut aussi les confronter à la réalité des usages.
L’objectif de la concertation dans la démarche du programmiste est avant tout d’aboutir à un projet conforme aux besoins des utilisateurs. Afin que le programme soit par ailleurs optimisé et rentre dans un cadre budgétaire raisonnable, il est important d’observer les usages sur le terrain, en particulier dans le cadre d’opérations de restructuration ou réhabilitation.
Les usages : observer, décrypter, analyser
L’usage correspond à la pratique de l’utilisateur dans ses locaux. Il peut s’agir :
- de ses pratiques liées directement à son activité (cours dispensés dans une salle de classe, manipulations menées dans un laboratoire, etc.) ;
- des pratiques informelles liées aux particularités de fonctionnement de l’entité dans laquelle évolue l’usager (espaces de réunion et de rencontre informelle par exemple) ;
- aux usages qui se mettent en place en relation avec l’existant. Certaines de ces pratiques peuvent être inadaptées et parfois nocives.
Afin de distinguer les différentes pratiques, une visite des locaux existants avec les utilisateurs est souvent indispensable. Dans le cas d’une réhabilitation, il s’agit alors d’établir le diagnostic fonctionnel des lieux. Dans le cas d’une construction neuve, la visite de locaux similaires de la maîtrise d’ouvrage permet de bénéficier des retours d’expérience des utilisateurs.
Le fait d’observer les usages sur le terrain et de questionner directement les utilisateurs sur leurs pratiques permet alors de mettre en lumière :
- les conflits d’usage (pas très pratique de prendre le café dans les vestiaires !) ;
- les points à améliorer, par une meilleure organisation des locaux ;
- les pratiques inadaptées qui peuvent être solutionnées sans modification de l’existant.
Usage, demande, besoin… tout mélanger, le piège à ne pas éviter
Il arrive parfois que les utilisateurs expriment leurs besoins en fonction de leurs pratiques actuelles. Ce qu’ils expriment alors comme un besoin est en fait le reflet de leurs pratiques.
Stocker les meubles avec les archives, prendre le déjeuner dans l’atelier, mutualiser entrée patients et entrée personnel…. Ce sont autant de pratiques qui découlent de dysfonctionnements liés aux locaux et qui deviennent monnaie courante. Pour éviter de reproduire les erreurs de l’existant il faut donc :
- questionner les pratiques des usagers ;
- être attentif aux commentaires des utilisateurs sur leurs propres pratiques, même aux commentaires informels. Ce qui est dit sur le ton de l’humour peut parfois être très révélateur et cacher des informations ;
- les aider à se projeter en les incitant à imaginer des pratiques différentes ;
- renseigner les utilisateurs sur ce qui se fait ailleurs.
Le secret du programmiste, c’est son œil de lynx et son oreille affûtée. Observer et écouter : c’est la part la plus complexe du métier. Finalement, pour être un bon programmiste, il faut à la fois être un fin psychologue… et aimer les visites guidées !
S.S.