Utilisée depuis des millénaires, la terre crue est aujourd’hui le matériau le plus répandu à travers le monde. De Shibam, au Yémen, ancienne cité royale entièrement construite en terre crue, à la région Auvergne Rhône-Alpes où le pisé est très répandu, les exemples de réalisations en terre crue sont nombreux. Cependant, ce matériau est actuellement considéré par le grand public comme antique ou encore médiocre. La terre crue a été éclipsée par des techniques constructives modernes comme le béton. Pourquoi ? Biosourcé et recyclable, ce matériau a pourtant toutes les qualités pour être utilisé et revenir au goût du jour !
Actuellement, la construction en terre crue est, en France, encore considérée comme technique non courante. Il n’existe en effet pas de règles professionnelles ou de DTU concernant ce matériau, bien qu’ils soient à l’étude. La filière terre crue française est portée par plusieurs associations et réseaux qui tentent de valoriser et développer l’usage de ce matériau. Le réseau CRAterre (Centre international de la construction en terre) constitue la structure majeure de développement de la terre crue dans le monde. Il mène de nombreuses recherches et actions de diffusion des savoirs. L’Asterre (association nationale des professionnels de la terre crue) est également un acteur majeur. De nombreux autres acteurs, tous assez récents, existent à échelles nationale, ou plus locale, pour porter le développement de ce matériau.
Mais quelles sont les possibilités d’utilisation de la terre crue ?
Il existe de nombreuses techniques de construction utilisant de la terre crue. Le principe à la base de chaque technique est le mélange de la terre avec une certaine quantité d’eau et souvent des fibres végétales. Ce mélange est ensuite mis en œuvre de diverses manières, dont les plus répandues sont les suivantes :
Le pisé est un procédé très répandu, notamment en Rhône-Alpes, de construction de murs en terre crue, compactée dans un coffrage en couches successives à l’aide d’un pilon. Cette technique parfaitement maîtrisée, permet d’obtenir des murs de bonne qualité esthétique.
L’adobe est une brique de terre crue (mélangée à de l’eau et éventuellement des ajouts minéraux ou végétaux) séchée au soleil. La brique peut être moulée à la main ou encore fabriquée par compression avec une presse. Ces briques sont aujourd’hui souvent utilisées en maçonnerie de remplissage dans la construction bois.
La terre crue peut également être utilisée comme enduit intérieur ou encore extérieur, sur les façades abritées des intempéries. Dans ce cas, le mélange doit être riche en liant argileux et des fibres peuvent éventuellement venir renforcer la structure interne de l’enduit.
Et le développement durable, on en parle ?
La terre crue présente de nombreux avantages environnementaux qui peuvent la placer aujourd’hui comme un matériau de choix pour répondre aux enjeux du développement durable. Tout d’abord, ce matériau est recyclable et son bilan énergétique est faible : les procédés ne nécessitent pas d’apport de chaleur, contrairement au béton par exemple, et les matériaux sont biosourcés. En fin de vie, la terre retourne à la terre… et peut être de nouveau utilisée, pour la construction ou un autre usage. Enfin, pour le confort dans les bâtiments, la terre crue fournit une bonne isolation acoustique et permet une régulation hygrothermique très intéressante. La terre peut absorber une quantité d’humidité plus importante que la plupart des matériaux. En absorbant l’humidité quand elle est en excès et en la restituant quand elle est en manque, ce matériau permet d’améliorer le confort intérieur et de limiter les phénomènes de condensation et de moisissure dans le bâtiment.
Un matériau présentant quelques inconvénients…
Bien qu’étant un matériau très intéressant, la terre crue présente quelques inconvénients. Son principal point faible est la durée de mise en œuvre des techniques constructives. En effet, construire en terre crue implique de prendre le temps, de laisser à la nature le temps d’agir. À l’heure où la construction express en béton coulé est reine, ce « défaut » pèse à la terre crue. Pour pallier à ces délais de mise en œuvre, des techniques de préfabrication sont en développement.
Deuxième inconvénient, majeur également : l’absence de règles professionnelles relatives à ces techniques constructives. Sans ces règles, les assurances ne couvrent pas les constructions à base de terre crue. Des associations comme l’Asterre travaillent aujourd’hui à la réalisation de règles professionnelles.
Enfin, la terre crue demande un savoir-faire particulier que ce soit dans sa mise en œuvre que dans le choix d’utilisation des techniques. La terre ne se prête pas à tous les usages, et comme pour tout matériau, son utilisation doit être réfléchie et adaptée à l’usage qui sera fait du bâtiment.
Le retour de la terre crue dans l’architecture contemporaine est-il possible ?
La réponse est oui, bien sûr ! Et il existe d’ailleurs bien des exemples de constructions récentes en terre crue. Par exemple, l’école élémentaire de Saint-Germé (32) est en ossature bois avec des cloisons intérieures en briques de terre crue.
La terre crue possède de nombreux avantages et mérite de se développer dans la construction contemporaine. La réussite d’un projet en terre crue repose sur l’adéquation du matériau à l’usage, le savoir-faire, et l’association de plusieurs matériaux (terre, bois, paille, pierre, etc.). Mais encore faut-il être sensibilisé à l’existence et aux avantages de ce matériau… c’est là que le programmiste a un rôle à jouer !
L.P.