Parler de biodiversité à l’échelle du bâtiment suscite le doute et des réticences parmi les professionnels : est-ce une échelle pertinente ? N’est-ce pas du greenwashing ? Une idée à la mode ? Pour preuve : les référentiels HQE n’abordent pas véritablement la question.
Disons le d’emblée : une prise en compte à l’échelle de l’architecture ne saurait compenser des négligences à l’échelle urbaine.
Pour autant faut-il mettre de coté toute réflexion pour les constructions nécessaires ?
Trois guides récents, le premier de l’Université Catholique de Lille et de NORPAC, le second de Natureparif et le troisième du CAUE de l’Isère et de la LPO, montrent la nécessité d’une approche cohérente à toutes les échelles et notamment celle du bâtiment.
Mais alors que faire ? Trois principes structurent l’approche décrite par le guide biodiversité et bâti :
- Végétaliser le bâti
- Inclure des aménagements accueillants pour les animaux et insectes
- Minimiser les dangers.
Ces dispositions ne se limitent évidemment pas aux espaces extérieurs dont – au passage – la conception et la gestion sont profondément repensées. Elles impactent l’architecture dans ce qu’elle a de plus visible : ses parois, sa peau.
En effet, il s’agit de rendre les façades habitables et sûres pour certaines espèces et de concevoir la toiture – souvent à l’écart de l’activité humaine – comme un sanctuaire naturel, accueillant et viable.
Il est question – de manière très concrète – d’intégrer aux parois de l’architecture en ville, des habitats pour animaux : mares, espaces plantés, murs à cavités, nichoirs, ruches et hôtels à insectes…
L’architecte et les bureaux d’études doivent porter une attention particulière aux dangers potentiels : grilles de protection des aérations de caves ou vides sanitaires, échappatoires, maîtrise des surfaces vitrées et matérialisation des surfaces, attention portée à la conception de l’éclairage qui doit être orienté vers le bas et limité dans le temps…
Présenté ainsi, la prise en compte de la biodiversité peut sembler simple, générique et anecdotique. Il n’en est rien.
Il s’agit d’abord d’intégrer une nouvelle dimension à la conception architecturale. L’architecte, spécialiste de la synthèse, pourra – et devra – relever ce défi. Mais il n’y arrivera pas tout seul. De nombreux choix de stratégie écologique doivent être faits. Toute équipe de maîtrise d’œuvre comprendra donc vraisemblablement un écologue et un paysagiste au fait de la gestion différentiée des espaces.
En amont, le diagnostic environnemental, puis le programme architectural, fonctionnel et technique devront mettre en lumière les enjeux « biodiversité » du site et du projet. Ils devront pouvoir puiser dans des documents d’urbanisme intégrant cette dimension, garants d’une cohérence plus globale.
Enfin, la coexistence entre l’Homme et les animaux ou les insectes ne va pas forcément de soi. La conception pourrait inclure une sensibilisation et une implication des occupants et un accompagnement dans des choix d’équipements, leurs gestions et les usages…
La biodiversité, comme avant elle l’approche HQE, implique ainsi une diversification des savoir-faire au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre et une conception combinée, véritablement collective, orchestrée par l’architecte.
John Stuart Mill affirmait que tout grand mouvement doit faire l’expérience de trois étapes : le ridicule, la discussion et l’adoption. Il serait temps que, concernant la biodiversité, nous autres professionnels du bâtiment, architectes, ingénieurs, programmistes, passions de manière concrète au stade de la discussion.
Vous pouvez dès à présent contribuer et participer au wikilivre « Introduire la biodiversité dans la construction et l’urbanisme »
Enfin, Flores développe des outils spécifiques à la prise en compte de la biodiversité, et c’est ici!
O.T.