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La programmation, un levier pour la permanence architecturale ?

Selon, les architectes Simone et Lucien Kroll, la permanence architecturale correspond à « ne plus faire la ville pour des habitants, ni même avec, mais en tant qu’habitant. ». Cette définition apparaît dans le manifeste La Permanence Architecturale, écrit par Chloé Bodart, Édith Hallauer, Sophie Ricard, Sébastien Eymard en 2015. Cette démarche est de plus en plus développée aujourd’hui. Et cela va de soi : nous, êtres humains du XXIème siècle, cherchons continuellement à être productifs et efficaces, mais aussi sincères et concrets dans ce que nous faisons.

Alors, quand une ville décide d’élaborer un projet architectural, cette recherche s’applique également au projet. Etablir une activité constante sur un site occupé pour optimiser son utilisation en est un exemple. Mais, comment utiliser l’espace vide et quelles activités prévoir lorsque le projet est laissé en devenir le temps d’un instant ?

Approfondir les besoins des usagers

Profiter de ce temps en suspens pour approfondir la définition des besoins des usagers fut le but de la ville de Lyon en 2010. Cela donna l’occasion à l’association Lamartine d’occuper de manière transitoire une friche. Or, quelques années plus tard, il est temps de déménager pour ce grand collectif d’artistes et artisans. Ce relogement est vu comme une opportunité de faire évoluer les pratiques, de concrétiser des intentions, d’être collectif.

De ce fait, pendant que discussions et négociations s’élaborent au sein de la municipalité, trois mois de résidences sur place sont organisés. Le collectif Pourquoi Pas !? et l’agence NA ! Architecture entrent en scène. Cette période permet à ces derniers, en collaboration avec l’association Lamartine, de développer une analyse détaillée des usages existants. L’objectif est d’établir les futurs usages, main-dans-la-main avec artistes et artisans, pour créer des scénarios les plus réalistes possible.

Ainsi, profiter du temps d’inoccupation d’un site pour réfléchir de manière approfondie les besoins des usagers, avec les usagers, est fructueux. Une telle démarche permet de gagner du temps sur l’avenir : une réponse plus réaliste est une réponse plus juste. Elle permet aussi de remettre au centre du projet les premiers concernés par celui-ci : les usagers. C’est une enquête, un reportage et une expérimentation à part entière pour programmer concrètement l’avenir.

Expérimenter à grande échelle

Et justement ! Certains collectifs tirent profit du site laissé en suspens pour la commune. Et non plus uniquement pour le projet en cours. Ici, l’idée est d’introduire de nouveaux usages dans un quartier, de manière éphémère et collective.

Nous sommes en 2015, à Paris. L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul est reconverti en logements. Les associations Aurore, Yes We Camp et la coopérative Plateau Urbain participent à la mise en place du projet des Grands Voisins, à l’occasion de cette reconversion. Ce projet vise à utiliser des espaces temporairement vacants pour tenter de répondre à des problématiques sociales urbaines :

  • accueil de personnes démunies,
  • accessibilité de locaux pour des commerçants lançant leur activité,
  • adaptation de nos modes de vie face aux enjeux écologiques, …

Différentes occupations temporaires du site prennent place durant cinq ans. Aujourd’hui, c’est un quartier dans son entièreté qui a émergé de ce projet. Une expérience à échelle 1. Habitations, commerces, bureaux, logements solidaires et autres prennent place avec leurs usagers.

Le projet évolue alors et s’adapte avec eux. Ainsi, les usagers de la ville sont rassemblés, leur communion provoquée pour tenter de répondre à des besoins jusqu’alors méconnus. Des besoins émergeants mais non formalisés. Cette communion met l’accent sur l’importance de la participation des usagers. Elle montre l’impact de concevoir une ville « sur le tas ». Il s’agit de saisir l’opportunité d’expérimenter sur le terrain, pour chercher à comprendre les besoins de chacun. Et ce, jusqu’à les anticiper. Il s’agit de concevoir la vie collective d’une ville et de le faire ensemble.

La permanence architecturale en programmation

Nombreux sont les acteurs s’étant posés la question du comment habiter un site « en attendant ». Et nombreux sont ceux qui agissent en ce sens. Intégrer cette démarche à la programmation est fondamental pour nous. Florès a tenté l’expérience avec la Tour du Centre International de Recherche sur le Cancer, à Lyon. Malheureusement, le diagnostic du site a montré l’impossibilité d’habiter temporairement cette tour. L’expérimentation reste cependant une opportunité à renouveler. Elle fut riche d’apprentissages, qui pourront être mis à profit dans une prochaine étude. Programmer ce moment suspendu, c’est se l’approprier collectivement, lui donner de la valeur, le rendre concret. C’est également l’intégrer pleinement au processus de projet déjà-là.

Anticiper les besoins à venir des usagers, c’est le ciment du métier de programmiste. S’associer aux acteurs allant dans cette direction, s’en inspirer, c’est aussi ça l’ambition de Florès. Programmer, auprès de collectifs, coopératives et associations experts, les meilleurs scénarios éphémères. Afin de répondre au mieux aux besoins permanents de la ville.

E.D.