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Un jardin thérapeutique en EHPAD

Stimulant l’esprit, les sens et la motricité, le jardin est reconnu comme un outil favorisant la santé et le bien-être des personnes âgées, et plus largement des personnes requérant des soins. L’organisation d’un jardin thérapeutique et les activités qui y sont proposées s’inscrivent dans le prolongement des dispositifs médicaux, mais doivent former un lieu de vie à part entière qu’il faut savoir adapter au handicap et à la perte d’autonomie.

Les bienfaits d’un jardin

Le jardin est avant tout un lieu de vie qui doit faire partie du lieu de résidence, c’est un espace de convivialité favorisant l’éveil des sens, de partage et d’activité. À ce titre, il doit être mis en valeur et facilement accessible, adapté au degré d’autonomie des résidents. La qualité des aménagements demeure notamment dans la capacité du jardin à accueillir son public dans de bonnes conditions d’évolution, de confort, sans négliger l’esthétisme de l’espace.

Le jardin est un lieu d’évasion propice à l’évocation d’évènements passés, au jardinage, un lieu de culture et de beauté, un véritable lieu de plaisir qui peut pallier à certaines difficultés liées à la diminution de l’autonomie. Ainsi, la sortie au jardin sous le soleil le matin, sous un vent frais ou quelques gouttes de pluie, participe ainsi à maintenir les repères temporels au jour le jour et dans les saisons. Le jardin est également un lieu d’accueil des proches, avec lesquels la personne résidente peut séjourner un moment avec suffisamment d’intimité, et les activités d’extérieur favorisent l’intergénération.

Intégré au projet de soins

La mise à disposition d’un jardin pour les résidents dépendants peut s’inscrire complètement dans le projet thérapeutique : il est particulièrement indiqué pour les personnes atteintes d’affections neurologiques telles que Parkinson et Alzheimer et pour les personnes désorientées (présentant des troubles cognitifs).

Dans le projet de soins, le jardin est en effet mobilisable sur trois aspects :

  • le lieu d’exercice physique et de rééducation grâce aux parcours thérapeutiques,
  • le lieu d’observation et d’accompagnement dans une dynamique motivationnelle,
  • le support du travail de réminiscence et de reviviscence grâce aux stimuli sensoriels et mémoriels.

 

1. Un lieu d’exercice physique et de rééducation

Le jardin prend part aux thérapies non médicamenteuses et il peut être un facilitateur pour les soins : une activité de renforcement de la proprioception ou de rééducation fonctionnelle sera souvent mieux perçue sous le soleil et en compagnie d’oiseaux qui chantent.

Le jardin apporte facilement une variété de revêtements et d’agrès : revêtements durs, souples, pelouse, graviers, marches d’escalier, pas d’âne, pans inclinés, bande de marche avec barres d’appui et autres équipements spéciaux adaptés à l’extérieur… Il conviendra de penser l’accès à ces espaces selon le degré de mobilité des résidents, voire de les sécuriser s’ils doivent être pratiqués avec un accompagnant, pour qu’ils ne forment pas un danger (chute, blocage en fauteuil, etc.).

2. Un lieu d’observation et d’accompagnement

Le jardin sollicite les sens et doit être pensé comme un espace de curiosité tout au long de l’année : feuillages, floraisons, textures et parfums variés pourront alors devenir un sujet permanent d’attention au fil des saisons.

Le jardin sera dimensionné pour convier les familles pour une promenade avec leur proche, permettre des stations régulières pour se reposer et discuter, sur des bancs judicieusement répartis. Un espace de groupe équipé de mobilier d’extérieur permettra d’organiser un goûter en extérieur, voire un repas avec les familles pour les beaux jours.

L’intégration d’un espace potager fleuri, à la disposition des résidents, et visible depuis le bâtiment, dans des bacs à hauteur adaptée et permettant de jardiner depuis un fauteuil roulant, formera un formidable support d’activité physique, de discussions et de partage quotidiens, d’imagination et d’activités avec le personnel ou un intervenant extérieur. Souvent, le jardin suscite l’émergence de souvenirs, ceux du plaisir de travailler la terre, de la patience et de la récompense lors des floraisons, du goût inimitable du fruit cueilli sur la branche…

L’installation d’habitats pour les animaux sauvages (cabanes à oiseaux, à hérissons, hôtels à insectes, etc.), ou d’un bac composteur seront autant de sources d’intérêt associant l’écologie à l’agrément. Et, pourquoi pas une mise en lumière ou la sonorisation de certains espaces, l’intégration d’objets d’art et d’objets curieux, l’installation de brumisateurs pour les jours chauds sur la terrasse ?

3. Un lieu de réminiscence et de reviviscence

Pensé comme un lieu riche et signifiant, le jardin pourra devenir un lieu d’expérimentation offrant aux résidents la possibilité de créer et de voir s’épanouir, renforçant l’estime de soi et valorisant le travail collectif.

Enfin, le jardin formera un lieu d’apaisement collectif et un espace de repli individuel, pour pallier certaines difficultés de la vie en communauté et que les espaces communs intérieurs ne permettent pas toujours.

Les points d’attention dans la programmation d’un jardin

Les nombreux bénéfices apportés ne doivent pas masquer plusieurs points de vigilance à intégrer au plus tôt dans le projet de jardin en établissement.

1. Un espace adapté

En premier lieu il convient d’adapter l’espace et les aménagements aux capacités et au degré de mobilité des usagers : dans un EHPAD, les résidents présentent souvent une mobilité réduite que de longues distances ou des obstacles peuvent mettre à mal, voire occasionner un risque pour la sécurité. Les cheminements doivent ainsi présenter un revêtement continu et adhérant même en cas d’humidité, des ressauts et seuils limités au maximum, des pentes faibles et des bordures ou pare-roues prévenant les sorties de route en fauteuil roulant.

2. Des repères facilement identifiables

Le jardin sera organisé autour de repères facilement identifiables par les personnes désorientées et facilitera la surveillance des personnes par le personnel, de même les parcours seront bouclés pour éviter tout cul-de-sac. Les recoins seront limités autant que possible pour faciliter le suivi visuel des personnes autonomes (pour pouvoir prévenir ou repérer facilement une chute par exemple).

3. Deux horizons à prendre en compte

Les aménagements, les plantations prendront en compte les deux horizons du jardin : celui d’une personne debout et l’horizon d’une personne en fauteuil, en veillant à positionner des massifs à hauteur variable, des supports de mains courantes non pleins, etc.

4. Protection solaire

À adapter en fonction du climat local, la protection solaire des espaces de déambulation et de convivialité est impérative : l’âge des résidents induit un risque accru de déshydratation et certains traitements peuvent provoquer une forte photosensibilité (réaction de brûlure vive à l’exposition solaire), le jardin doit donc présenter des espaces ombragés suffisants. Destinés à un public fragile et sensible aux écarts de température, les espaces conviviaux extérieurs seront également protégés des vents dominants.

5. Choix des essences

Les essences mises en œuvre seront choisies avant tout pour leurs qualités horticoles, mais on écartera les variétés présentant une toxicité dans les feuilles ou les fruits, ainsi que les variétés allergisantes. Pour aider à les identifier, de nombreuses sources existent, notamment ce guide édité par le centre anti-poison belge, qui recense les plantes toxiques parmi les variétés couramment mises en œuvre dans les jardins (et plantes d’intérieur). Le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) répertorie quant à lui les espèces susceptibles de provoquer des réactions allergiques et diffuse régulièrement des bulletins hebdomadaires sur les risques allergiques.

Le choix des végétaux sera orienté pour favoriser la diversité d’aspect à toutes les saisons et le raffinement des feuillages, floraisons, écorces, etc., mais aussi pour leur adaptation au site : on privilégiera les espèces botaniques et locales, adaptées aux conditions géo-climatiques et généralement plus robustes. Leur entretien en sera réduit d’autant, de même que l’arrosage qui sera idéalement limité au potager.

Le jardin offre de nombreux attraits et apparaît indispensable dans un établissement de soins tel qu’un EHPAD. Afin de garantir la qualité des espaces extérieurs et leur bonne adaptation aux usagers, une attention particulière doit être portée en phase de programmation, pour cibler les besoins précis et les conditions de réussite. Un accompagnement par un professionnel du paysage est alors indispensable pour guider le porteur de projet vers une conception esthétique, cohérente et fonctionnelle et proposer des innovations pour améliorer l’agrément tout en assurant un entretien modéré tout au long de l’année.

N.J.