Florès ...

Contenu non visible

Pour imprimer le contenu de cet article :

utilisez le bouton d'impression disponible sur la page

ou utilisez le raccourci CTRL + P

Des déchets qui valent de l’or : le réemploi des matériaux de construction/déconstruction

Des déchets qui valent de l’or : le réemploi des matériaux de construction/déconstruction

Aller fouiller dans les bennes des chantiers de déconstruction pour voir ce qu’on peut récupérer : en voilà une pratique peu courante pour les architectes et maîtres d’ouvrage ! Et pourtant, même si la filière est encore peu structurée, le réemploi des matériaux de construction/déconstruction a le vent en poupe, et constitue une réponse aux enjeux de réduction de l’impact environnemental du bâtiment.

D’après la directive européenne sur les déchets (ordonnance de décembre 2010), 70 % des déchets de construction et de déconstruction devront être recyclés à l’horizon 2020. Dans ce contexte, le réemploi des matériaux de construction/déconstruction est l’une des solutions permettant de réduire la quantité de déchets de chantier et l’impact environnemental du bâtiment.

Regardez tout ce qu’on peut faire !

Le réemploi des matériaux de construction peut prendre plusieurs formes et être appliqué dans plusieurs types de situations :

  • La réutilisation de matériaux issus de la démolition d’un bâtiment sur site ou sur un autre chantier (bétons, menuiseries, carrelages, tuyauteries…)
  • L’utilisation de matériaux issus, par exemple, d’erreurs de commande pour un autre chantier
  • La récupération de matériaux de chantier restant, inutilisés

Le réemploi des matériaux de construction fait aujourd’hui l’objet d’expérimentations et de nouveaux métiers voient le jour. Les recycleries se font de plus en plus nombreuses et l’assistant à maîtrise d’ouvrage réemploi intègre désormais des projets d’envergure (voir, par exemple, l’agence Bellastock qui travaille très activement sur le sujet).

construction

SOS Children’s village – Lavezzorio community center – Chicago – Studio Gang Architects – Utilisation de fonds de toupies pour les murs de façade

construction

Siège du Conseil européen, Philippe Samyn architecte – Châssis en chêne de toute l’Europe

construction

Musée d’histoire de Ningho – Chine – Amateur Studio Wang Shu – Réutilisation des tuiles des habitats voisins en ruine pour le parement de façade

La mise en place d’une démarche de réemploi demande néanmoins de repenser complètement la démarche de conception, le projet devenant nécessairement évolutif en fonction des opportunités de matériaux à disposition ! Afin de faciliter la démarche de créativité liée au réemploi, la réglementation a évolué.

Du côté de la réglementation et de la responsabilité

D’après la Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – Article 88 , il est possible de « déroger à certaines règles en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles. Un décret en conseil d’état fixe les règles qui peuvent faire l’objet de cette expérimentation, notamment en ce qui concerne le réemploi ».

Autrement dit, les règles de constructions sont, sinon assouplies, au moins ouvertes afin de faciliter la créativité des architectes, et en particulier en matière de réemploi.

Si la réglementation prévoit des dérogations pour appliquer plus facilement le réemploi, la question des garanties et des responsabilités liées aux matériaux utilisés reste entière et peut constituer un frein. Dans un rapport sur les principaux freins au réemploi (téléchargeable ici), l’ADEME identifie notamment les freins juridiques au réemploi :

  • La mise à disposition de matériaux peut être entravée par la question de la responsabilité: qui endosse la responsabilité en cas de défaillance technique, de problème sanitaire ou environnemental ? Le maître d’ouvrage ? L’entreprise de démolition ? La plateforme de mise à disposition ?
  • La garantie décennale et dommage ouvrage. Certaines entreprises peuvent être réticentes à mettre en œuvre des matériaux issus du réemploi car elles engagent leur responsabilité. Ceci nécessite alors une adaptation des contrats de garantie.
  • Les matériaux issus du réemploi ne peuvent pas entrer dans le cadre d’une garantie biennale, qui ne s’applique qu’aux matériaux neufs.

Les questions juridiques constituent un frein important au réemploi. Cependant, la structuration des filières et l’évolution de la réglementation permettront de débloquer la situation dans le temps. Par ailleurs, penser le réemploi très en amont, lors de projets où il est pertinent, permet d’anticiper ces questions.

Pensons-y dès la phase programmation

Le réemploi des matériaux de construction n’est pas que le fait d’opportunités liées au hasard (don ou mise à disposition spontanée de matériaux par exemple). Il peut être intégré à la réflexion très en amont du projet, au cours de la phase de programmation :

  • Dans le cas de chantiers de démolition-reconstruction, il peut être intéressant d’effectuer un diagnostic de l’existant et d’identifier les matériaux qu’il est possible de réemployer. Ces matériaux sont alors mis à disposition de l’architecte afin qu’il puisse exprimer sa créativité.
  • En identifiant les filières et gisements de matériaux de réemploi dans l’environnement du site. Il s’agit alors d’identifier les chantiers potentiels
    • qui peuvent proposer des matériaux intéressant dans le cadre du projet
    • dont la date et la durée correspondent à l’opération qui nous concerne, afin de limiter le coût lié au stockage des matériaux.

Le réemploi des matériaux de construction, même s’il se développe, demeure le fait de projets expérimentaux. Aujourd’hui, le premier pas consiste à identifier les mécanismes, les filières, les possibilités. À force de tâtonnements, cette pratique devrait se développer de plus en plus, avec l’émergence des thématiques liées à l’analyse en cycle de vie et plus largement au développement durable. Affaire à suivre !

Pour en savoir plus

S.S.