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L’Iphone et l’architecte… petite improvisation sur les smart buildings

L’Iphone et l’architecte… petite improvisation sur les smart buildings

Qu’est ce qu’un Smart Building… précisément? Etre invité, en tant que programmiste, par Bourgogne Bâtiment Durable à la journée technique Smart Building pour contribuer à une table ronde m’a honoré mais un peu déstabilisé… Que dire… ?
Il semble que la définition échappe : un bâtiment intelligent, c’est un bâtiment bien pensé ?… Il y en a toujours eu… C’est un bâtiment confit de technologie ? Ni nécessaire, ni suffisant… Low-tech ?…Les pyramides l’étaient ! Chacun sa définition semble-t-il…

Alors, qu’est ce qui est smart ?

Remontons à la source… Smart Building viendrait de Smart Phone… Jusque là, ça va. Le prototype du Smart phone c’est l’Iphone… OK. Alors qu’est ce qui est Smart dans l’Iphone ? Qu’est ce qui consomme la rupture avec les téléphones à touches livrés avec un mode d’emploi d’un kilomètre ? Au fait, vous vous rappelez de comment on envoyait des SMS avant?… LOL.

Disons que l’Iphone c’est :

  • un mixte de basse technologie et de haute technologie, très discret,
  • l’intuitivité et intelligence de l’interface,
  • une ouverture aux applications.

On pourrait résumer le travail de Steve Jobs par une formule pas main stream pour un sou, pas sexy du tout : c’est la « dictature de l’usage » !

Steve Jobs a lutté ferme avec ses ingénieurs pour parvenir à ce produit tactile, pour qu’il soit d’un usage intuitif et sensuel… Si différent qu’il a fallu inventer un mot pour le désigner ! Et puis, il n’est pas inintéressant de remarquer que l’esthétique n’a pas été oubliée, une esthétique extérieure, mais aussi intérieure à l’objet… Par contre, et là pourrait s’arrêter tout parallèle avec l’architecture, l’Iphone n’est pas contextuel. Normal, c’est un bien « meuble », un objet universel en plus !

Bien… Et donc, si l’on cherche à transposer…

Entre low-tech et high-tech, faut-il choisir ?

L’Iphone n’est pas seulement un concentré de technologie. C’est aussi des matériaux simples et des formes épurées. Tout n’est pas high-tech, au contraire, la technologie se fait discrète… Mais avant tout, c’est la relation à l’objet qui n’a rien d’high-tech. Qui n’a pas connu, au début des IPhone, un petit désarroi devant l’absence de notice !
Dans un bâtiment, des organes high-tech côtoieront de plus en plus souvent des procédés traditionnels voire anciens… Ce n’est ni un mal ni un bien, et surtout ce n’est pas cela qui constitue l’essence du Smart Building. C’est davantage la simplicité d’usage.

Un véritable Smart Building n’aurait aucun besoin de notice de présentation aux utilisateurs, de formation préalable, de sensibilisation… Il devrait à lui seul, à l’usage, assurer ces fonctions.

Il ne s’agit pas d’un bâtiment automatique ou d’un déballage ostentatoire de technologie. Il s’agit d’un lieu instaurant un dialogue avec ses utilisateurs ; d’un édifice donnant aux habitants les quelques informations nécessaires et utiles à la prise de décision : ouvrir la fenêtre parce qu’il fait moins chaud dehors, parce qu’il y a beaucoup de CO2, informer de l’intérêt qu’il y aurait à arrêter le chauffage, ou à paramétrer différemment la GTB…

La technologie, pas forcément intelligente

C’est alors le choix des informations à transmettre aux différents types d’utilisateurs qui  contribue à l’intelligence du bâtiment, qui constitue l’enjeu et la condition de réussite. Rien ne sert de donner des informations trop générales, ou trop d’informations… Elles doivent être en lien direct avec les actions possibles du type d’utilisateur visé : une surconsommation liée à un usage précis (dépassement de température de consigne), des consommations a priori anormales lorsque le bâtiment est vide, la qualité de l’air extérieur et de l’air intérieur. Il s’agit d’aider l’utilisateur à faire ses choix d’usage.

Le Smart Building peut accompagner chaque utilisateur en anticipant certains besoins, mais aussi donner des informations, interpeler, questionner… en un mot responsabiliser. Et paradoxalement, la complexité réside peut être dans la dimension cognitive du projet : identifier les informations à communiquer pour les mettre en situation de choisir et d’interagir ainsi avec les usages.

Tout se joue au niveau de l’interface…

L’interaction met la fonction d’interface au centre du projet ; que l’interface soit technique, architecturale ou urbaine…

o  l’interface technique est fondamentale, les tablettes sont un exemple d’évolution possible, mais il y a fort à parier que de nouveaux médias seront utilisés sans pour autant faire disparaitre d’anciens dispositifs présentant l’intérêt de l’économie et de la simplicité… Les bons vieux voyants lumineux ont encore un avenir !

o   en tant que programmistes, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à une complexité de l’interface architecturale… Là ou jadis un simple hall, éventuellement un accueil et des sanitaires suffisaient, on assiste aujourd’hui à la constitution de véritables complexes gérant les interactions entre la vocation principale du bâtiment et son contexte…

–  dans un projet de bâtiment d’archives municipales, la programmation intègre bien sûr la complexité technique et la prise en compte des référentiels des Archives de France. Mais les échanges portent tout autant voire bien davantage sur les locaux à prévoir pour accueillir et attirer de nouveaux publics, sur les transparences à créer avec le quartier, les locaux permettant d’accueillir des associations…

– un EHPAD ne saurait – et c’est très bien ainsi – plus se limiter à un empilement d’unités de vie… La concertation avec les professionnels montre que la problématique porte désormais sur l’organisation permettant d’encourager les échanges avec l’extérieur : la qualité des espaces de rez-de-chaussée, des continuités entre les locaux d’activité et des jardins thérapeutiques, l’intégration d’un commerce de proximité pouvant accueillir du public et des résidents, l’accueil de locaux associatifs, la proximité d’une crèche, l’accueil d’animaux…

– un bâtiment de bureau pose de plus en plus la question des espaces d’accueil, des lieux de convivialité, des espaces de partage d’information, mais aussi des services offerts aux personnels (conciergeries, crèches d’entreprise…), des espaces sportifs voire de relaxation,

Les fonctionnalités premières des édifices sont assez bien maîtrisées et le débat porte de plus en plus sur l’interaction du bâtiment avec son contexte urbain et humain … La multiplication des interactions pose naturellement d’autres questions, de sécurité et de sûreté…  L’heure n’est pas aux équipements ouverts qui ont montré leurs limites !

Les systèmes de contrôle toujours plus sophistiqués facilitent la gestion des accès mais ils ne sauraient suffire à eux seuls : l’architecture est le meilleur moyen de rendre lisible les fonctions et les espaces… Les programmistes doivent donc analyser et décrire toujours plus finement la gestion des différents flux et la hiérarchisation des espaces.

Vous avez dit ouverture aux applications ?

Dans le monde de l’architecture, l’ouverture aux applications parait assez claire. Il s’agit de pourvoir s’adapter à d’autres usages… On peut envisager trois approches :

o    l’ouverture à l’évolution future des techniques et technologies… Autant dire que ce n’est pas simple.

–  condition première et de long terme qui contribue à rendre cette évolution possible: un tramage pertinent de l’édifice par des gaines facilement accessibles par exemple,

–   pour le court terme, le choix d’équipements capables d’être pilotés de manière individualisée et de dialoguer selon un protocole ouvert avec un système de gestion centralisé dans le cadre d’un réseau intelligent…

o    l’ouverture à d’autres usages, c’est-à-dire le changement de destination. De ce point de vue la séparation du système porteur et de la distribution spatiale est évidemment favorable, ainsi que le choix judicieux du positionnement des circulations verticales et gaines…

o    l’évolution des usages…

–   il faut d’abord envisager l’accroissement possible des besoins, c’est-à-dire anticiper une densification, des extensions… ce qui impacte le projet depuis le plan masse jusqu’au positionnement des circulations.

–   il faut ensuite anticiper les tendances prévisibles : par exemple le vieillissement dans l’habitat tant du point de vue de l’adaptation à la dépendance qu’à la possibilité de scinder un grand logement en deux…

L’ouverture aux usages, à leurs changements et à l’évolution des technologies est la condition première d’une architecture véritablement durable. C’est donc les problématiques actuelles qui incitent à réactiver certains principes de l’héritage « moderne » comme le plan libre.

En définitive, un bâtiment intelligent, adapté à sa fonction mais ouvert à des évolutions d’usage, instaure surtout un échange simple et intuitif avec l’homme par des dispositifs techniques évolués ou pas du tout, mais aussi par son architecture même et ses locaux…

Pas besoin de mode d’emploi, de notice et de réunions de présentation !

Il s’agit, dans le processus de conception, de hiérarchiser les informations, les flux, les échanges et les lieux en fonction des usages en un tout cohérent. De ce point de vue, le programmiste comme l’architecte ont encore pas mal de boulot…

Comme pour l’Iphone, il pourrait s’agir d’une dictature de l’usage sur la technique et la conception. En quelque sorte une nouvelle remise en cause de la vision traditionnelle de l’architecte créateur. Ce pourrait aussi être une valorisation du rôle de synthèse de l’architecte donnant une cohérence et une lisibilité à un ensemble toujours plus complexe, et – contrairement à l’Iphone – l’ancrant  dans une contextualité et un lieu.

O.T.