Florès ...

Contenu non visible

Pour imprimer le contenu de cet article :

utilisez le bouton d'impression disponible sur la page

ou utilisez le raccourci CTRL + P

La plante aux mille usages

« Ayant donné mon nom à la célèbre Canebière de Marseille, celui de Chennevière ou Chanebière à de nombreux hameaux de France et de Navarre, mes graines sont employées pour la pêche au coup et fournissent une huile d’excellente qualité. Je suis cultivé depuis le Néolithique en Asie et me suis rapidement répandu dans toute l’Europe, où mes capacités sont reconnues dans de nombreux domaines. Grâce à mes propriétés mécaniques remarquables, j’entre dans la composition des billets de banque et des papiers à cigarette, mais j’ai gagné mes lettres de noblesses lorsque j’ai fourni à Gutenberg le papier pour la première Bible imprimée. Je me suis forgé à une réputation sulfureuse en raison des propriétés psychotropes que développe une de mes molécules, formée de trois lettres : THC. Ma culture en plein champ est aujourd’hui drastiquement réglementée et autorisée aux seules variétés dites cultivées. Je suis tombé en désuétude durant le XXème siècle avec l’avènement du coton et des fibres synthétiques… je suis, je suis ? »

Le chanvre ! Aujourd’hui, focus sur cette plante étonnante à redécouvrir.

Cultivé depuis les temps immémoriaux dans presque toute la France, le chanvre est une plante herbacée annuelle pouvant mesurer jusqu’à quatre mètres de hauteur qui se plaît dans les sols humides. De culture facile et économique, il fournit à la périphérie de ses tiges une longue fibre, très résistante, qui une fois roui, broyé, teillé et peigné, sert à la confection de papiers, toiles et cordages.

La chènevotte, qui compose la moelle souple située au cœur de la tige principale, peut être utilisée en copeaux comme isolant naturel. Réduit en paille, le chanvre peut également fournir l’armature à un béton très performant lorsqu’il est associé à un liant. En un mot, plante à tout faire : le chanvre mérite à nouveau qu’on s’y intéresse, comme ne s’y trompent pas de nombreuses initiatives pour développer l’usage de ce matériau dans la construction durable des bâtiments.

chanvre

Tige de chanvre : fibre et chènevotte

Dans le bâtiment, quels usages ?

Matière première biosourcée et renouvelable par essence, le chanvre peut être employé dans de multiples applications, grâce à ses trois principaux atouts :

  • ses caractéristiques mécaniques remarquables, grâce à des fibres solides et légères
  • ses propriétés thermiques combinant une isolation efficace et une bonne inertie thermique
  • sa perspirance, ou capacité à réguler la vapeur d’eau

Ainsi, dans la construction le chanvre est employé principalement comme matériau d’isolation, autoportant ou non : sous forme de fibres en vrac, filé dans des panneaux de laine, coulé ou projeté en béton fibré, comprimé en blocs agglomérés, ou bien comme renfort mécanique et isolant dans les mortiers.

chanvre

béton de chanvre en plancher et panneau préfabriqué

chanvre

Le chanvre est particulièrement indiqué pour des associations avec les structures et panneaux nécessitant une porosité à la vapeur d’eau, tels que le bois, la pierre ou la terre crue, en construction neuve comme en rénovation. Très polyvalent, il peut être utilisé en dalle sur terre-plein, en isolation de plancher, de parois verticales, de combles ou de toiture. Il possède en outre de très bonnes capacités d’absorption acoustique et vibratoire : il est de fait particulièrement indiqué pour l’isolation phonique et dans les conceptions parasismiques. Utilisé sous forme de béton (non structurel), il forme un matériau six fois moins lourd que le béton armé, présente un déphasage thermique de 11 à 12 heures et possède par ailleurs une excellente résistance au feu.

Employée pour la finition, la fibre peut être tissée pour former un revêtement de sol très solide ou associé à un enduit mural pour en améliorer sa résistance.

Un matériau durable et social

Le chanvre est un matériau économique, recyclable et compostable, ce qui en fait un allié précieux des conceptions écologiques. Matière première pouvant être locale au même titre que d’autres fibres végétales et animales, son utilisation favorise les ressources et les entreprises régionales.

Très adapté à nos climats, le chanvre est une plante robuste qui n’a pas besoin d’irrigation et ne nécessite l’emploi d’aucun pesticide. Sa culture forme aujourd’hui un levier de diversification de l’agriculture en France, dont l’exploitation est en constante augmentation depuis les années 1970. Avec un résultat par hectare proche de celle d’autres grandes cultures (blé, maïs, oléagineux) pour un coût d’exploitation inférieur, la culture du chanvre dispose en effet d’un potentiel de rentabilité intéressant pour les agriculteurs. Bien que la demande soit à la hausse, sa production demeure toutefois confidentielle, avec environ 9500 hectares cultivés, principalement répartis entre la Champagne-Ardenne, la Bourgogne, la Franche-Comté et le Grand-Ouest.

Les procédés de transformation, assez complexes pour extraire la fibre (pour le tissage et la laine de chanvre), peuvent toutefois se réduire à l’utilisation quasi brute de la paille de chanvre et de la chènevotte résultant de l’extraction des fibres. Mise en copeaux, c’est cette paille qui sert à l’armature des bétons de chanvre et à la réalisation de panneaux compressés. Comble des nombreuses aptitudes du chanvre, les graines ou chènevis peuvent être utilisées dans l’alimentation humaine et animale (huile, boissons, farines et tourteaux pour le bétail) !

En définitive, le chanvre est valorisable de la tête aux pieds et participe au stockage de carbone dans le bâtiment : il affiche de fait ainsi un bilan très positif par rapport à ses concurrents synthétiques.

Le chanvre sur le chantier, quelles particularités ?

Bien que plusieurs procédés de préfabrication existent et permettent de développer l’utilisation du chanvre, tels que blocs de béton de chanvre compressé et panneaux isolants, sa mise en œuvre en vrac ou liquide implique toutefois quelques contraintes. L’emploi de techniques humides tout d’abord : associé le plus souvent à la chaux aérienne dans les bétons, mortiers et enduits, il impose un temps de séchage long, de deux à trois semaines.

chanvre

dalle de béton de chanvre sur grave stabilisée

Par ailleurs sensible à l’humidité, le chanvre prescrit une respirabilité suffisante des parois pour éviter les phénomènes de moisissure propres aux matériaux naturels. Pour les mêmes raisons, les remontées capillaires et les infiltrations doivent être traitées sérieusement pour éviter tout désordre.

Mais l’existence de DTU depuis plusieurs années cadre la mise en œuvre du chanvre. La multiplication des chantiers utilisant le chanvre et le développement des savoir-faire améliorent les techniques et en font désormais un matériau fiable, performant et écologique, prêt à s’imposer dans la construction.
Face à un bilan aussi positif, comment ne pas considérer le chanvre comme un vrai matériau d’avenir associant écologie, économie locale et même la Canebière !

 

N.J.